UnRoi sans divertissement est un homme plein de misĂšres. fĂ©vrier 26, 2012 FrĂ©dĂ©rick JĂ©zĂ©gou Un Roi sans divertissement est un homme plein de misĂšres. Pascal Introduction Les grandes expositions attirent un public nombreux qui n’hĂ©site pas Ă  patienter parfois pendant des heures avant de pouvoir entrer. Dans l’imaginaire collectif l’art reste attachĂ© Ă  la figure du gĂ©nie, de l’inventeur solitaire qui rĂ©alise des dĂ©couvertes essentielles. Il est donc Ă©tonnant d’envisager que l’art ne puisse ĂȘtre qu’un divertissement. Ce terme a ici une signification dĂ©prĂ©ciative. On ne s’étonnera pas qu’il soit employĂ© pour qualifier des activitĂ©s ludiques ou sans prĂ©tention mais comment peut-on l’appliquer Ă  l’art ? Celui-ci n’est-il pas l’expression des valeurs les plus hautes d’une civilisation ? Le soin mis Ă  entretenir les Ɠuvres incite Ă  le penser. Serait-ce dĂ» Ă  une illusion ? 1. Le plaisir du divertissement A. L’agrĂ©ment Nous parlons couramment d’artistes de variĂ©tĂ©s dont le mĂ©tier est de distraire un public souvent contrariĂ© par les difficultĂ©s du quotidien. Le plaisir est l’effet produit par la qualitĂ© d’un divertissement proposĂ© dans le but d’échapper momentanĂ©ment Ă  une rĂ©alitĂ© dĂ©sagrĂ©able ou morose. Il est indĂ©niable que cette signification concerne la pratique artistique. Il semble mĂȘme que des gĂ©nies rencontrent sur ce point le jugement du grand nombre. Matisse a dĂ©clarĂ© que ses tableaux devaient dĂ©lasser l’esprit surmenĂ© de l’homme moderne. Ceci paraĂźt corroborer l’avis de l’opinion commune quand elle soutient que le but d’un film ou d’un spectacle est de lui faire oublier sa vie de tous les jours. Ce phĂ©nomĂšne n’est d’ailleurs pas forcĂ©ment surĂ©valuĂ© par ceux qui le dĂ©fendent. Le spectateur sait fort bien qu’il n’assiste pas Ă  un chef-d’Ɠuvre mais rĂ©clame un droit Ă  se faire plaisir et apprĂ©cie les chanteurs ou les cinĂ©astes qui lui procurent cette satisfaction. Kant, dans sa division des Beaux-arts, donne une place aux arts d’agrĂ©ment qui embellissent le quotidien en le rendant plus agrĂ©able Ă  l’Ɠil. La dĂ©coration de jardins ou d’intĂ©rieur, les divers ornements comme ceux liĂ©s au vĂȘtement constituent des avantages qu’il ne faut pas mĂ©priser car ils participent Ă  la civilisation et aux mƓurs. Le plaisir est donc intrinsĂšquement liĂ© Ă  l’art et on comprend qu’il soit recherchĂ© par un public fatiguĂ© par les contraintes du travail et la routine journaliĂšre. B. L’ambivalence de la sĂ©duction L’artiste Ă©tant un ĂȘtre douĂ© du pouvoir de plaire par ses Ɠuvres, il devrait donc mettre son talent au service des attentes de ses contemporains et chercher Ă  nous divertir. Chateaubriand ne fut-il pas surnommĂ© l’Enchanteur ? Or, cette affection doit ĂȘtre analysĂ©e. L’enchantement reste un critĂšre encore formel. Il ne dit rien quant Ă  la valeur rĂ©elle de ce qui est montrĂ©. Faire plaisir risque de n’ĂȘtre que l’argument d’un esprit complaisant Ă  l’égard des dĂ©sirs vulgaires. Le dĂ©magogue sait flatter pour imposer sa prĂ©sence et ses idĂ©es. L’artiste ne serait alors qu’un homme habile, capable de rĂ©pondre Ă  une attente en appliquant des recettes qui pourraient avoir Ă©tĂ© testĂ©es sur des Ă©chantillons de population. Ce danger menace mĂȘme ceux qui commencĂšrent par inventer. Picasso dit en ce sens qu’imiter les autres est nĂ©cessaire mais que s’imiter soi-mĂȘme est mesquin. » Un artiste novateur peut ĂȘtre victime de son succĂšs en se bornant Ă  rĂ©pĂ©ter des procĂ©dĂ©s. [Transition] L’idĂ©e de divertissement possĂšde un sens qui nous amĂšne Ă  approfondir notre rĂ©flexion. 2. Deux visions de l’Ɠuvre A. L’art comme faux-semblant Dans les PensĂ©es, Pascal donne au divertissement une signification tragique en y voyant la façon dont l’homme se dĂ©tourne de la rĂ©alitĂ© de sa condition. Se divertir serait une fuite motivĂ©e par la misĂšre de notre situation. L’homme se sait mortel et cette considĂ©ration lui pĂšse. DĂšs lors, tout devient dĂ©sirable pourvu que l’excitation d’une activitĂ© lui fasse oublier sa finitude. Ainsi, c’est l’ensemble des activitĂ©s humaines qui devient un divertissement. Non seulement les diffĂ©rents jeux, mais la politique, et toutes les charges qui nous donnent un statut social. La royautĂ© elle-mĂȘme n’aurait de valeur qu’à cette condition car un roi sans divertissement est un homme plein de misĂšres ». L’art rentre-t-il dans cette catĂ©gorie ? Pascal l’affirme tout en s’étonnant du pouvoir des reprĂ©sentations artistiques quelle vanitĂ© que la peinture qui s’attire l’admiration par la ressemblance des choses dont on n’admire point les originaux ! » L’art nous dĂ©tourne de mĂ©diter sur notre condition en nous charmant par ses couleurs et ses formes. Ce divertissement, bien que comprĂ©hensible, est prĂ©sentĂ© comme coupable car il nous empĂȘche d’admettre que seule la foi en Dieu nous sauverait. C’est en vain que nous nous divertissons aux spectacles de l’art. Ce plaisir passager nous contraint Ă  le rĂ©pĂ©ter sans jamais nous dĂ©livrer de notre angoisse. Cependant, ce jugement rend-il justice Ă  la nature de l’Ɠuvre d’art ? B. La nature singuliĂšre de l’Ɠuvre d’art Les Ɠuvres d’art sont des rĂ©alitĂ©s particuliĂšres au sens oĂč elles possĂšdent une double nature. Nous les apprĂ©hendons par notre sensibilitĂ© et elles nous procurent une satisfaction spirituelle. La vue et l’ouĂŻe sont les principaux sens Ă  ĂȘtre sollicitĂ©s. Or, lorsque nous contemplons un spectacle ou Ă©coutons une musique, nous voyons apparaĂźtre des significations comme la joie, la colĂšre, la fiertĂ©, etc. La force de l’Ɠuvre vient de la façon dont elle unit ces deux dimensions de maniĂšre indissoluble. La signification fait corps avec sa manifestation sensible. Si, par son origine grecque, le mot esthĂ©tique renvoie Ă  l’idĂ©e de sensation, l’Ɠuvre n’est pas consommable comme un produit nĂ©cessaire Ă  nos besoins physiques, elle rĂ©vĂšle l’essence d’un sentiment ou d’une valeur. Elle est donc liĂ©e Ă  une forme de vĂ©ritĂ©. [Transition] Ceci nous engage Ă  réévaluer notre approche de l’Ɠuvre d’art. 3. Réévaluation de l’art A. Art et dĂ©voilement Les rĂ©flexions d’AndrĂ© Malraux sont centrĂ©es autour du concept de mĂ©tamorphose dans lequel il voit la vĂ©ritĂ© de l’Ɠuvre d’art. Il s’étonne de la rĂ©sistance que certaines rĂ©alisations opposent au passage du temps. Nous savons bien que les civilisations sont mortelles. Partout abondent les traces de ce qui fut et ne reviendra plus. Ceci ne signifie pas que le passĂ© n’a plus de sens pour nous. La science historienne se charge d’ordonner ces tĂ©moignages selon la chronologie. Nous pouvons connaĂźtre des faits, les classer de maniĂšre intelligible mais la connaissance ne les ressuscite pas. L’époque Ă©tudiĂ©e est bel et bien rĂ©volue. C’est pourquoi, Malraux estime qu’une Ɠuvre d’art est ce qui conserve une prĂ©sence par-delĂ  le passage des siĂšcles. Elle ne sollicite pas seulement notre intelligence mais possĂšde une vie Ă©nigmatique. Mona Lisa est morte mais La Joconde continue de fasciner. Puisqu’un chef-d’Ɠuvre est ce Ă  quoi on ne peut s’empĂȘcher de revenir, il est plausible de parler de mĂ©tamorphose pour caractĂ©riser la raison de sa vie intemporelle. Les cathĂ©drales gothiques, par exemple, ne furent guĂšre prisĂ©es aux xviie et xviiie siĂšcles avant d’ĂȘtre redĂ©couvertes par le siĂšcle suivant, en les interprĂ©tant Ă  sa maniĂšre, qui n’est plus la nĂŽtre. L’Ɠuvre peut susciter un nombre illimitĂ© d’interprĂ©tations et ĂȘtre une source d’inspiration, mĂȘme si elle traverse des pĂ©riodes d’oubli. Son pouvoir est fragile mais invincible. B. L’élargissement de la perception. Le goĂ»t Bergson affirme ainsi que l’artiste est un rĂ©vĂ©lateur » qui fixe sur sa toile ou dans des mots des visions fugitives, des nuances de sentiments qui traversent notre esprit mais rapidement recouvertes par les exigences de la vie quotidienne. Il souligne ainsi un paradoxe c’est parce que l’artiste songe moins Ă  utiliser sa perception qu’il perçoit un plus grand nombre de choses. » Il naĂźt dĂ©tachĂ© », c’est-Ă -dire plus enclin Ă  contempler qu’à utiliser. Cette thĂšse est importante car elle donne Ă  l’art une nĂ©cessitĂ© profonde. Il est liĂ© Ă  la connaissance de soi, de notre vie intĂ©rieure et de notre rapport au monde. Les Ɠuvres d’art nous permettent de mieux saisir ce que nous ressentons confusĂ©ment et c’est pour cela qu’elles nous touchent. Le dĂ©tachement n’est pas une façon de fuir la rĂ©alitĂ© mais un recul pour la faire apparaĂźtre. Le plaisir pris Ă  l’Ɠuvre est celui d’un goĂ»t que nous apprenons Ă  affiner. Montesquieu note ainsi qu’une jeune personne qui se rend au théùtre manquera d’abord de goĂ»t car elle n’aura pas une perception suffisante de ce qu’elle voit. Il lui faudra du temps et de l’expĂ©rience pour apprĂ©cier la composition qui structure le dĂ©veloppement de l’intrigue. Nous pouvons sans difficultĂ© appliquer cette idĂ©e Ă  toute forme de spectacle. Ceci est dĂ» au fait que l’Ɠuvre est une reprĂ©sentation qui suit nĂ©cessairement certaines rĂšgles mĂȘme si le talent de l’artiste consiste Ă  les moduler pour crĂ©er Ă  chaque fois une rĂ©alitĂ© unique. [Transition] Il ressort de ceci que le goĂ»t est une capacitĂ© qui se cultive. Il s’acquiert et se perfectionne par la frĂ©quentation des Ɠuvres. Conclusion Ce sujet nous a amenĂ©s Ă  considĂ©rer l’art sous deux aspects. Il est vrai que l’art, en nous dĂ©tournant du monde habituel, peut ĂȘtre prĂ©sentĂ© comme un divertissement qui charme pour un moment. Mais cette signification reste superficielle. Une grande Ɠuvre nous livre la vĂ©ritĂ© d’un monde, elle dĂ©voile son essence et n’a donc rien d’une activitĂ© futile ou secondaire. L’art nous divertit au sens oĂč il nous dĂ©tourne de nos habitudes perceptives pour nous rendre plus sensible. Il cultive simultanĂ©ment notre sensibilitĂ© et notre jugement. UnRoi sans divertissement est un homme plein de - une citation de Pascal. Citations Citations du LittrĂ© Un Roi sans divertissement est un homme plein de misĂšres. 18 January 2016 Le calcul des probabilitĂ©s est nĂ© en 1654, d'un problĂšme relatif aux jeux de hasard proposĂ© Ă  un austĂšre jansĂ©niste par un homme du monde. Voici l'origine du pari rĂ©sumĂ©e deux siĂšcles plus tard par SimĂ©on-Denis Poisson, dont une loi porte le nom. L'homme du monde est Antoine Gombaud, dit chevalier de MĂ©rĂ©, l'austĂšre jansĂ©niste Blaise Pascal, dont nous avons dĂ©jĂ  croisĂ© le chemin ici. Deux personnes s'opposent Ă  un jeu de dĂ©s. Elles commencent par contribuer Ă©quitablement au pot et s'entendent sur un nombre de manches Ă  gagner pour emporter la victoire. Le jeu se dĂ©roule en effet en manches successives indĂ©pendantes, chacune se concluant sur le succĂšs de l'un ou l'autre des joueurs. Le problĂšme soumis par le chevalier de MĂ©rĂ© Ă  Pascal est le suivant quel est le juste partage du pot si le jeu est interrompu avant qu'un gagnant puisse ĂȘtre dĂ©signĂ©? Un roi sans divertissement est un homme plein de misĂšres PensĂ©es, fragment 142 de l'Ă©dition Brunschvicg plus tard empruntĂ© Ă  Pascal par Giono Pascal, alitĂ©, rĂ©sout le problĂšme dans deux lettres enthousiastes qu'il adresse Ă  Fermat les 29 juillet et 24 aoĂ»t 1654. Il y alterne allĂšgrement partis et parties, le masculin qui correspond au partage et le fĂ©minin qui correspond Ă  la manche, rendant la lecture des lettres un peu acrobatique. Tous ses calculs, il les fait en pistoles, une piĂšce d'or dont la valeur s'expose en livres et dont le nom vient de l'italien, piccola piastra. Comme elle reprĂ©sentait deux Ă©cus on l'appelait doublon, ce qui ne rend pas nĂ©cessaire de reprendre la dĂ©monstration! La solution de Pascal s'applique quels que soient le nombre de joueurs, la probabilitĂ© de chaque joueur de gagner une manche, le nombre de manches Ă  gagner pour remporter la victoire et le moment de l'interruption du jeu. TrĂšs novatrice, sa preuve s'articule essentiellement autour d'une rĂ©currence rĂ©trograde. En voici l'illustration lorsque deux joueurs s'opposent, qu'ils ont autant de chance l'un que l'autre de gagner une manche, que trois manches gagnĂ©es sont synonymes de victoire et qu'ils engagent chacun 32 pistoles. La face d'un Ă©cu pistole Tous les scĂ©narios de dĂ©roulement du jeu peuvent ĂȘtre reprĂ©sentĂ©s par un arbre binaire. Notons a pour une manche gagnĂ©e par le joueur A et b pour une manche gagnĂ©e par le joueur B, de telle sorte que aaba signifie que A a gagnĂ© les deux premiĂšres manches, perdu la troisiĂšme et gagnĂ© la quatriĂšme, remportant ainsi la victoire. Notons entre parenthĂšses la part du pot revenant au joueur A. Les feuilles c'est-Ă -dire les extrĂ©mitĂ©s de l'arbre binaire correspondent toutes Ă  des configurations oĂč l'un des joueurs a remportĂ© la victoire et donc la totalitĂ© du pot. Les nombres entre parenthĂšses y sont donc Ă©gaux Ă  64 victoire de A ou Ă  0 victoire de B. Les parts du pot revenant au joueur A sont dĂ©terminĂ©es Ă  rebours en remontant le long des branches de l'arbre. ConsidĂ©rons par exemple le nƓud aabb. Deux issues Ă©quiprobables peuvent survenir soit aabba et la victoire de A soit aabbb et sa dĂ©faite. Aussi, il revient une part œ64+0=32 au joueur A en cas d'interruption dans la configuration aabb. ConsidĂ©rons maintenant le nƓud aab. Deux issues Ă©quiprobables peuvent survenir soit aaba et la victoire de A soit la configuration aabb Ă©tudiĂ©e plus tĂŽt. Aussi, il revient une part œ64+32=48 au joueur A en cas d'interruption dans la configuration aab. La pile du mĂȘme Ă©cu pistole Jugeant sa solution comme l'une de ses plus importantes contributions Ă  la science, Pascal envisage la rĂ©daction d'un petit traitĂ© intitulĂ© GĂ©omĂ©trie du Hasard. Il ne le rĂ©digera jamais. InspirĂ© par celle-ci, Christian Huygens Ă©crira lui le premier traitĂ© sur le calcul des chances, le De ratiociniis in ludo aleae Sur le calcul dans les jeux de hasard, 1657. Billet suivant Ledocument : "Un roi sans divertissement est un homme plein de misĂšres.Blaise Pascal, PensĂ©es, 142. Commentez cette citation." compte 0 mots. Pour le tĂ©lĂ©charger en entier, envoyez-nous l’un de vos travaux scolaires grĂące Ă  notre systĂšme gratuit d’échange de ressources numĂ©riques ou achetez-le pour la somme symbolique d’un euro. RĂ©sumĂ© Roman Ă©crit par Jean Giono, publiĂ© en 1947. Vers 1845, dans un village isolĂ© du TriĂšves, non loin du col de la Croix-Haute, des habitants disparaissent sans laisser de traces, l'hiver, par temps de neige. Le capitaine de gendarmerie Langlois arrive au village pour tenter d'Ă©lucider le mystĂšre de ces disparitions. Un jour brumeux d'hiver, FrĂ©dĂ©ric, propriĂ©taire d'une scierie, observe un curieux manĂšge de la fourche d'un hĂȘtre plantĂ© en face de la porte de la scierie, il voit descendre un inconnu, qui s'Ă©loigne dans la neige en direction de la montagne. MontĂ© Ă  son tour dans l'arbre, FrĂ©dĂ©ric dĂ©couvre, au creux d'une maĂźtresse branche, dĂ©posĂ© sur un monceau d'ossements, le cadavre de DorothĂ©e, une jeune fille qu'il avait aperçue bien vivante vingt minutes avant. FrĂ©dĂ©ric suit Ă  la trace l'inconnu qui, s'Ă©loignant tranquillement dans la neige sans se retourner, le conduit jusqu'Ă  un autre village, Chichilianne, et jusqu'Ă  sa maison. D'un passant, FrĂ©dĂ©ric apprend le nom de l'inconnu, " InformĂ© par FrĂ©dĂ©ric, Langlois dĂ©cide de se rendre Ă  Chichilianne, accompagnĂ© de quelques hommes. EntrĂ© dans la maison de il ne tarde pas Ă  en ressortir, accompagnĂ© de celui-ci. Suivi de Langlois, s'Ă©loigne du village, rejoint un bois, s'adosse au tronc d'un arbre. Langlois l'abat de deux coups de pistolet. Dans le rappport qu'il rĂ©dige Ă  l'intention de ses supĂ©rieurs, Langlois dĂ©crit cette mise Ă  mort comme un accident et donne sa dĂ©mission de la gendarmerie. Rendu Ă  la vie civile, Langlois ne tarde pas Ă  reparaĂźtre au village, oĂč il a Ă©tĂ© nommĂ© commandant de louveterie. InstallĂ© chez Saucisse, la propriĂ©taire du CafĂ© de la Route, une ancienne "lorette" de Grenoble, ainsi surnommĂ©e en raison de son embonpoint, il intrigue les villageois par son Ă©lĂ©gance, la beautĂ© de son cheval, sa façon de tenir les gens Ă  distance sans pour autant les blesser, les visites qu'il reçoit le procureur du roi se dĂ©place pour le voir et le traite en ami, sa conduite parfois Ă©nigmatique par exemple, il demande Ă  voir, sans qu'on sache pourquoi, les ornements sacerdotaux conservĂ©s dans l'Ă©glise. Avec la venue de l'hiver, l'occasion d'exercer ses nouvelles fonctions ne tarde pas Ă  se prĂ©senter un loup, d'une force et d'une audace exceptionnelles, Ă©gorge moutons, chevaux et vaches. Une battue est dĂ©cidĂ©e. Langlois l'organise minutieusement comme une cĂ©rĂ©monie, une fĂȘte. Les villageois, venus en nombre, sont les rabatteurs. Le procureur royal, Saucisse et Madame Tim, la chĂątelaine de Saint-Baudille, une nouvelle amie de Langlois, sont de la partie. Les femmes sont dans leurs plus beaux atours, installĂ©es sur des traĂźneaux. La trace du loup conduit tout ce monde au pied d'une haute falaise. Le loup les y attend, au centre d'un espace couvert de neige, un chien Ă©gorgĂ© Ă  ses pieds. Et lĂ , dans ce dĂ©cor semblable Ă  une scĂšne de théùtre, devant le public consituĂ© par les chasseurs et les invitĂ©s, Langlois s'avance seul pour affronter le loup, et il l'abat, comme il avait fait pour de deux coups de pistolet dans le ventre. Cinq mois plus tard, Langlois demande Ă  Saucisse et Ă  Madame Tim de l'accompagner jusqu'Ă  un village assez Ă©loignĂ© oĂč il veut rendre visite Ă  une femme qui y vit seule avec son petit garçon dans une maison isolĂ©e oĂč elle s'est installĂ©e aprĂšs avoir quittĂ© son pays d'origine. Elle gagne sa vie comme brodeuse. ArrivĂ©s chez cette femme, pendant que Madame Tim marchande des articles de toilette, Langlois, qui s'est fait oublier dans un fauteuil, contemple l'intĂ©rieur de l'appartement, meublĂ© avec un luxe inattendu chez une simple ouvriĂšre, et ses regards s'attachent sur un portrait d'homme, dont on devine simplement la silhouette dans l'ombre de la piĂšce. Sans que cela soit dit, on devine que cette femme est la veuve de et que le portrait est le sien. Vers la fin de l'Ă©tĂ©, Madame Tim invite Langlois Ă  une fĂȘte dans son chĂąteau de Saint-Baudille. Langlois semble apprĂ©cier le confort et le luxe des lieux, et il se conduit avec l'aisance qui lui est habituelle. Pourtant, il apparaĂźt Ă  Saucisse, qui narre l'Ă©pisode, secrĂštement dĂ©tachĂ© et lointain tel un loup, Ă©garĂ© dans le monde des hommes, qui prend soin de ne rien oublier de tout ce qu'il faut faire " pour arriver Ă  survivre dans les Ă©tendues dĂ©sertes et glacĂ©es ". RentrĂ© au village, Langlois dĂ©cide de faire construire un " bongalove " et il annonce Ă  Saucisse son intention de se marier. Il la charge de lui trouver quelqu'un. Ce sera Delphine, "des cheveux noirs et de la peau bien tendue sur une armature ", que Saucisse dĂ©niche pour lui Ă  Grenoble, oĂč ils sont descendus tous les deux pour rĂ©gler l'affaire. Langlois s'installe au bongalove avec celle que les villageois appellent tout de suite "Madame la Commandante". Ils y mĂšnent une existence apparemment paisible. Chaque soir, Langlois va au jardin fumer un cigare en contemplant le paysage. L'hiver est revenu. La premiĂšre neige est tombĂ©e. Langlois descend au village, va frapper Ă  la porte d'Anselmie, et lui demande de tuer une de ses oies en lui coupant la tĂȘte. Puis tenant l'oie par les pattes, il regarde son sang couler sur la neige. Il s'absorbe longtemps dans cette contemplation. Puis, sans mot dire, il rentre chez lui. Le soir mĂȘme, Langlois va fumer son cigare au jardin. Mais en fait de cigare, c'est un bĂąton de dynamite qu'il fume. C'est Pascal que, pour Ă©clairer l'Ă©nigme tragique de l'histoire de Langlois comme pour amener son lecteur Ă  une derniĂšre rĂ©flexion, Giono convoque Ă  la fin du roman "Qui a dit "Un roi sans divertissement est un homme plein de misĂšres"?". 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PrĂ©sentĂ© dĂšs la premiĂšre page du roman comme un arbre d'une beautĂ© sans Ă©gale, il est personnifiĂ© et assimilĂ© Ă  un ĂȘtre conscient et surnaturel, un vĂ©ritable dieu "c'est l'Apollon-citharĂšde des hĂȘtres"..."Il est hors de doute qu'il se connaĂźt et qu'il se juge". Cette assimilation se poursuit quand le narrateur le dĂ©crit en 1844, annĂ©e oĂč il est particuliĂšrement beau l'arbre a "mille bras entrelacĂ©s de serpents verts", "cent mille mains de feuillages d'or", "il dansait comme savent danser les ĂȘtres surnaturels". Cette annĂ©e-lĂ , il est habitĂ© d'une vie exubĂ©rante oiseaux de toutes sortes, papillons et insectes, dansent dans sa ramure et autour de lui une folle sarabande. La source secrĂšte de toute cette vie, ce sont bien sĂ»r les cadavres que a dĂ©posĂ©s au creux d'une Ă©norme branche creux qui Ă©voque un nid, et qui finissent d'y pourrir tranquillement, nourrissant oiseaux et insectes. L'alliance de la vie et de la mort, source de beautĂ©, est ainsi rĂ©vĂ©lĂ©e par cet arbre exceptionnel. La personnification n'est pas rĂ©servĂ©e au hĂȘtre. Elle s'Ă©tend, dans la mĂȘme page, aux forĂȘts qui, "assises sur les gradins des montagnes, finissaient par le regarder en silence". Mais surtout, dans la page magnifique oĂč Giono dĂ©crit la forĂȘt Ă  l'automne, le commencement de cette saison est dĂ©crit comme une extraordinaire fĂȘte que se donnent les arbres, en revĂȘtant de luxuriantes parures, qui sont des uniformes, des costumes de courtisans, de riches vĂȘtements ecclĂ©siastiques; c'est d'ailleurs l'image d'une cĂ©rĂ©monie religieuse qui finalement l'emporte, cĂ©rĂ©monie sanglante d'une beautĂ© inquiĂ©tante, proposant une vĂ©ritable initiation Ă  valeur religieuse "tels sont les sujets de mĂ©ditation proposĂ©es par les fresques du monastĂšre des montagnes". On retrouve ici, dans une tonalitĂ© sans doute moins rassurante, la vision panthĂ©iste qu'exprimaient, avant 1940, les romans et les essais de Giono. BeautĂ© Voir "Divertissement". CĂ©rĂ©monie et rituel Motifs rĂ©currents, les cĂ©rĂ©monies et les rituels qui les accompagnent sont une voie d'accĂšs majeure Ă  la signification du roman. Aucun homme ne peut se passer de cĂ©rĂ©monies. Les vieillards narrateurs en tĂ©moignent "nous-mĂȘmes nous aimons beaucoup les cĂ©rĂ©monies. Et nous avons tout un cĂ©rĂ©monial qu'il ne faut pas s'aviser d'ignorer ou de nĂ©gliger dans les occasions oĂč notre vie le rĂ©clame." Et ils comprennent trĂšs bien que "pour ces travaux mystĂ©rieux qu'on fait dans les rĂ©gions qui avoisinent les tristesses et la mort" il faille "un cĂ©rĂ©monial encore plus exigeant" que celui qu'exige un baptĂȘme ou un mariage. Langlois organise la chasse au loup comme une magnifique cĂ©rĂ©monie, selon un cĂ©rĂ©monial trĂšs prĂ©cisĂ©ment rĂ©glĂ©. Le mĂȘme goĂ»t de la cĂ©rĂ©monie se retrouve chez Mme Tim, experte organisatrice de fĂȘtes. A ce titre, la cĂ©rĂ©monie embellit et ennoblit le quotidien. De façon plus profonde, plus mystĂ©rieuse et plus inquiĂ©tante, la cĂ©rĂ©monie et le rituel jouent un rĂŽle essentiel dans l'initiation voir cet article de Langlois par Les meurtres successifs perpĂ©trĂ©s par peuvent ĂȘtre compris comme la rĂ©pĂ©tition d'un rituel. Si cache ses victimes dans le hĂȘtre, c'est peut-ĂȘtre pour mieux les dissimuler, mais c'est sans doute surtout pour accomplir et renouveler un rituel d'offrande au dieu-arbre. On peut aussi y voir la prĂ©figuration de l'ostensoir, forme ronde contenant une victime. CruautĂ© ProfondĂ©ment inscrite dans la Nature et dans la nature humaine. On la lit dans le paysage des crĂȘtes du Ferrand "Horizons entiĂšrement fermĂ©s de roches acĂ©rĂ©es, aiguilles de Lus, canines, molaires, incisives, dents de chiens, de lions, de tigres et de poissons carnassiers". On la retrouve dans le spectacle de la forĂȘt Ă  l'automne "Chaque soir, dĂ©sormais, les murailles du ciel sont peintes avec ces enduits qui facilitent l'acceptation de la cruautĂ© et dĂ©livrent les sacrificateurs de tout remords", tandis que s'aligne "la procession des Ă©rables ensanglantĂ©s comme des bouchers". Elle s'incarne dans la figure du loup qui, autant que pour se nourrir, tue pour le plaisir de tuer et de voir couler le sang. C'est consciemment, sans aucun doute, que imite le comportement du loup dans sa façon d'attaquer et d'emporter ses victimes, franchissant la frontiĂšre qui sĂ©pare d'habitude l'homme civilisĂ© du fauve, mais affirmant aussi et revendiquant la prĂ©sence du fauve dans l'homme apparemment civilisĂ© homo homini lupus dirait Plaute. CruautĂ© Ă  laquelle s'adonnent avec une dĂ©lectation plus ou moins consciente les hommes ordinaires,individuellement, Ă  l'instar d'Anselmie dĂ©capitant son oie, ou en meute, dans l'Ă©pisode de la chasse au loup, mais aussi dans la traque simplement suggĂ©rĂ©e de la biche aux abois qu'est devenue la veuve de mais aussi celle de FrĂ©dĂ©ric Ă  la poursuite de , victime innocente des meurtres de son mari. Comment progresser en cours de français ? Divertissement Inscrit dans le titre et dans la derniĂšre phrase du roman, le mot "divertissement" renvoie Ă  un thĂšme majeur du roman. On le sait, la phrase sur laquelle se clĂŽt le roman et dont le dĂ©but a fourni le titre est empruntĂ©e par Giono aux PensĂ©es de Pascal " &un roi sans divertissement est un homme plein de misĂšres." fragment 142 de l'Ă©dition Brunschvicg. Dans les PensĂ©es, le mot "divertissement" est Ă  prendre dans son sens Ă©tymologique "divertir" au sens du verbe latin divertere, c'est "dĂ©tourner de", "distraire de". Le mal dont nous dĂ©tourne et nous distrait le divertissement, c'est l'ennui. Pascal Ă©crit "Rien n'est si insupportable Ă  l'homme que d'ĂȘtre dans un plein repos, sans passions, sans affaire, sans divertissement, sans application. Il sent alors son nĂ©ant, son abandon, son insuffisance, sa dĂ©pendance, son impuissance, son vide. Incontinent il sortira du fond de son Ăąme l'ennui, la noirceur, la tristesse, le chagrin, le dĂ©pit, le dĂ©sespoir." Ă©dition Brunschvicg, fragment 131. L'ennui nous laisse seuls face Ă  la misĂšre de notre existence terrestre. Fuir l'ennui dans le divertissement, c'est refuser d'affronter la vĂ©ritĂ© de notre condition - prise de conscience pourtant nĂ©cessaire si nous voulons travailler dĂšs cette vie Ă  gagner notre salut. Comme Pascal, comme Baudelaire aussi qui, dans les Fleurs du Mal, dĂ©crit l'Ennui comme le plus grand et le pĂšre de tous les vices, Giono considĂšre l'ennui comme "la plus grande malĂ©diction de l'Univers" Rencontres avec Marguerite Taos et Jean Amrouche, 1953. En cours de français, le mot "divertissement" apparaĂźt pour la premiĂšre fois dans le roman dans la bouche de Langlois, Ă  propos de Langlois suggĂšre au curĂ© que le spectacle du cĂ©rĂ©monial de la messe de minuit a pu offrir Ă  un divertissement le mot est en italiques dans le texte suffisamment fort pour le dĂ©tourner de la tentation d'un autre divertissement, celui du meurtre, du moins pour cette nuit-lĂ . Presque d'emblĂ©e, Langlois a donc pressenti la nature du besoin qui pousse l'inconnu Ă  tuer. Nul ĂȘtre humain n'Ă©chappe au besoin et Ă  la tentation du divertissement, y compris le divertissement de la cruautĂ©, y compris le divertissement du meurtre. Tandis que, pour le curĂ©, le tueur inconnu ne peut ĂȘtre qu'un monstre, Langlois, plus perspicace, rĂ©pond "Ce n'est peut-ĂȘtre pas un monstre", ce qui revient Ă  dire qu'on peut lui appliquer la dĂ©finition que Saucisse proposera de Langlois lui-mĂȘme "c'Ă©tait un homme comme les autres!". Pour tenir l'ennui Ă  distance, tous les moyens sont bons, mais il est une hiĂ©rarchie des divertissements. Les tĂąches quotidiennes, rythmĂ©es par le retour des saisons, fournissent aux villageois un divertissement gĂ©nĂ©ralement suffisant "nous avons, nous aussi, pas mal de choses Ă  faire ", disent les vieillards-narrateurs; cela leur vaut d'ailleurs les sarcasmes de Saucisse, qui leur reproche de ne se rendre compte de rien "Vous autres, vous avez rentrĂ© le foin, mais maintenant c'est les pommes de terre". leur aura tout de mĂȘme procurĂ© un divertissement au goĂ»t beaucoup plus Ăąpre et sauvage celui de la terreur, "une terreur de troupeau de moutons". Langlois lui-mĂȘme, tant qu'il reste absorbĂ© par sa traque de n'a guĂšre le temps de s'ennuyer. Ce n'est qu'aprĂšs la mort de et une fois libĂ©rĂ© des obligations du service que la menace de l'ennui se fait pour lui pressante. A un degrĂ© plus Ă©levĂ© se place le divertissement de la fĂȘte. Presque tous les personnages du roman exceptons la "brodeuse" et peut-ĂȘtre Delphine - en somme , les Ă©pouses savourent, Ă  un moment oĂč Ă  un autre, les charmes dĂ©licieux de la fĂȘte. Le temps de la fĂȘte, d'autant plus intensĂ©ment vĂ©cu qu'il est bref, le cĂ©rĂ©monial qui l'accompagne toujours, cela rompt la grisaille monotone du dĂ©filĂ© des jours. Presque toutes les scĂšnes fortes et dĂ©cisives du roman sont des scĂšnes de fĂȘte messe de minuit, poursuite de par FrĂ©dĂ©ric II, chasse au loup on se souvient que pour Pascal, la chasse constitue pour les Grands le divertissement le plus fort, fĂȘte Ă  Saint-Baudille. La soirĂ©e au restaurant de Grenoble peut aussi ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme une fĂȘte offerte par Langlois Ă  Saucisse. Un divertissement de choix est procurĂ© par le spectacle et la jouissance de la BeautĂ©. BeautĂ© de la nature d'abord, dont la splendeur est offerte Ă  tous. Le hĂȘtre de la scierie ne rĂ©siste pas Ă  la tentation de venir le contempler dans sa gloire estivale, le commencement de l'automne dans la forĂȘt vĂ©ritable cĂ©rĂ©monial de fĂȘte dont la Nature elle-mĂȘme est l'ordonnatrice, la falaise du fond de Chalamont, le spectacle du "vaste monde" qui se dĂ©ploie pour et pour FrĂ©dĂ©ric II du sommet de l'Archat, les dĂ©lectables Ă©chappĂ©es qu'on dĂ©couvre des terrasses de Saint-Baudille, sont de puissants divertissements pour l'Ăąme humaine, toujours Ă©prise de beautĂ©. BeautĂ© aussi des crĂ©ations humaines beautĂ© de la voĂ»te "on n'inventera jamais rien de plus gĂ©nial que la voĂ»te"; beautĂ© de cet antique cadran d'horloge qui ravit l'Ăąme de FrĂ©dĂ©ric II; beautĂ© des habits de fĂȘte dans l'Ă©pisode si théùtral et si musical de la chasse au loup... On s'Ă©tonnera peut-ĂȘtre que, parmi les diverses formes du divertissement, celui de l'amour ne joue Ă  peu prĂšs aucun rĂŽle. Certes, il y a l'amitiĂ© amoureuse de Saucisse pour Langlois. Mais pour celui-ci, pas plus apparemment que pour l'expĂ©rience amoureuse ne compte comme divertissement qui vaille peut-ĂȘtre parce que la routine conjugale, auprĂšs d'une "brodeuse", tue le divertissement d'oĂč l'Ă©chec patent de l'expĂ©rience "Delphine"& Pourtant elle n'est pas une brodeuse loin de lĂ . DerniĂšre forme de divertissement - la plus Ă©trange, la plus puissante et la plus dangereuse -, cet Ă©tat singulier de "distraction", en forme de fascination hypnotique, qui s'empare de quelques personnages. Bergues, le braconnier, semble s'y ĂȘtre abandonnĂ© alors qu'il poursuivait le tueur inconnu "...il se mit Ă  dire des choses bizarres; et, par exemple, que "le sang sur la neige, trĂšs propre, rouge et blanc, c'Ă©tait trĂšs beau" ". Et le Narrateur de commenter "Je pense Ă  Perceval hypnotisĂ©, endormi". Cet "endormissement" comme sous hypnose se retrouve plusieurs fois dans le roman c'est celui du loup contemplant sur la neige le sang du chien "il a l'air aussi endormi que nous", commente le narrateur; celui de Langlois s'abĂźmant dans la contemplation du portrait de puis Ă©mergeant de son fauteuil "les yeux gonflĂ©s de quelqu'un qui vient de se rĂ©veiller"; et, bien sĂ»r celui du mĂȘme Langlois dans la scĂšne chez Anselmie "Il Ă©tait toujours au mĂȘme endroit. PlantĂ©. Il regardait Ă  ses pieds le sang de l'oie". Il faut aussi rapprocher de ces scĂšnes celle oĂč reste sous le hĂȘtre, sans souci de l'orage, dans un Ă©tat d'abandon heureux, "dans une sorte de contentement manifeste". Moments d'intense contemplation, moments d'extase oĂč semblent se rĂ©vĂ©ler au contemplateur - homme ou loup - la vĂ©ritĂ© du monde, de la vie, et de sa propre existence. Comment trouver des cours de français en ligne ? EvĂ©nements historiques Les rĂ©fĂ©rences aux Ă©vĂ©nements historiques contemporains de l'action sont trĂšs rares. Seules interviennent quelques allusions Ă  des Ă©pisodes de la conquĂȘte de l'AlgĂ©rie, simple occasion pour Saucisse de faire valoir la dĂ©termination et le courage de Langlois en des circonstances pĂ©rilleuses. La seule allusion au rĂ©gime politique de la Monarchie de Juillet, sous lequel a lieu l'essentiel de l'action, est la prĂ©sence d'un buste de Louis-Philippe dans la salle de la mairie de Chichilianne, buste dĂ©signĂ© par Langlois Ă  FrĂ©dĂ©ric II avec une dĂ©sinvolture qui en dit long sur son dĂ©dain que partage sans doute Giono pour les puissants du jour. Plus frappante encore est l'absence de toute allusion Ă  la RĂ©volution de 1848, qui dĂ©bute en fĂ©vrier, peu de temps avant le voyage de Langlois et de Saucisse Ă  Grenoble. Dans cette ville, personne ne semble se soucier ni mĂȘme ĂȘtre au courant de l'agitation parisienne. Histoire rime Ă  peu prĂšs avec transitoire; or, ce que le romancier veut mettre en lumiĂšre, c'est la permanence et la rĂ©pĂ©tition Ă  travers le temps d'expĂ©riences sur lesquelles l'Histoire n'a pas de prise Voir "Permanence" . MĂȘme laconisme pour les AztĂšques et Christophe Colomb. FrontiĂšres entre les Ă©lĂ©ments, entre les rĂšgnes Elles sont constamment transgressĂ©es, effacĂ©es, par le jeu des mĂ©taphores, des comparaisons, des personnifications, qui jettent des ponts, concluent des alliances, posent des Ă©quivalences et des identitĂ©s entre les Ă©lĂ©ments terre, eau, air, feu et les rĂšgnes minĂ©ral, vĂ©gĂ©tal, animal, humain, divin. La prĂ©sentation du hĂȘtre, dĂšs la premiĂšre page, inaugure cette circulation incessante sa nature est triple, Ă  la fois vĂ©gĂ©tale, humaine et divine. On retrouve ce mĂ©lange des rĂšgnes dans la description des montagnes et de la forĂȘt Ă  l'automne, et dans bien d'autres passages. Le personnage de incarne ce rĂȘve d'abolir les frontiĂšres entre les rĂšgnes il est l'homme-loup, l'homme-animal. Mais c'est aussi un dieu quand il l'aperçoit sous le hĂȘtre, parfaitement tranquille dans le dĂ©chaĂźnement de l'orage, FrĂ©dĂ©ric II voit en lui un homme dĂ©naturĂ© c'est qu'il semble ignorer la peur; donc c'est un dieu& Quand plus tard il le poursuit sur les pentes de l'Archat, FrĂ©dĂ©ric II connaĂźt l'ivresse de se sentir tour Ă  tour renard, oiseau, esprit, et ce n'est pas sans peine qu'il se dĂ©pouillera "d'une peau de renard qui Ă©tait presque une peau de loup". Langlois connaĂźt la mĂȘme tentation, mais il y rĂ©siste. En tuant puis en tuant le loup, puis en se tuant, il rĂ©affirme la nĂ©cessitĂ© de frontiĂšres qu'un homme ne doit pas franchir, sous peine de se perdre. Ainsi s'explique le choix du suicide, ultime barriĂšre dressĂ©e contre la tentation de devenir loup Ă  son tour, mais aussi moyen de rejoindre enfin l'unitĂ© perdue "c'Ă©tait la tĂȘte de Langlois qui prenait, enfin, les dimensions de l'univers". Mais ce choix tragique, pas plus que le meurtre de puis du loup, n'est une vĂ©ritable solution; ce n'est que la sanction d'un Ă©chec. La rĂ©solution des antagonismes et l'abolition des frontiĂšres ne sont permises Ă  l'homme que dans l'expĂ©rience poĂ©tique. Langlois n'est pas le vrai hĂ©ros du roman ce hĂ©ros, c'est le prince des mĂ©taphores, le narrateur, figure idĂ©ale de l'Ă©crivain. Initiation Un roi sans divertissement peut se lire comme le rĂ©cit d'une - ou plutĂŽt de plusieurs expĂ©riences initiatiques. Le lecteur est conviĂ© Ă  participer Ă  ces initiations, donc Ă  s'initier lui-mĂȘme en apprenant Ă  voir et Ă  comprendre ce qui se cache sous les apparences ou ce qu'elles rĂ©vĂšlent. La prĂ©sence, dans les premiĂšres pages du roman, d'Ă©vocations Ă  forte connotation religieuse, l'y prĂ©pare. Ainsi le hĂȘtre de la scierie est assimilĂ© avec insistance Ă  une divinitĂ© il Ă©voque d'abord au narrateur la figure d'Apollon citharĂšde, puis il est dĂ©crit plutĂŽt comme une divinitĂ© du panthĂ©on hindou Shiva. De mĂȘme, les connotations religieuses abondent dans la page sur la forĂȘt au dĂ©but de l'automne nous sommes invitĂ©s Ă  reconnaĂźtre dans "les fresques du monastĂšre des montagnes" les vĂ©ritĂ©s qu'elles proclament, et Ă  les mĂ©diter. On doit considĂ©rer comme l'initiateur de Langlois Ă  des vĂ©ritĂ©s dont il ne prendra une pleine conscience qu'Ă  la fin du rĂ©cit. Dans la premiĂšre partie, le travail d'investigation policiĂšre auquel se livre Langlois lui permet de franchir sans qu'il en ait peut-ĂȘtre une claire conscience les premiĂšres Ă©tapes de son parcours initiatique. MĂ©ditant sur les mobiles du tueur inconnu, il prend d'abord conscience que celui-ci n'est "peut-ĂȘtre pas un monstre", c'est-Ă -dire qu'il est un homme comme lui, et en qui il peut se reconnaĂźtre, de qui il peut apprendre quelque chose d'essentiel. Il dĂ©couvre aussi le mobile profond de l'inconnu - la quĂȘte du divertissement -, mobile liĂ© Ă  une soif de beautĂ©, qui trouve Ă  s'apaiser momentanĂ©ment dans le spectacle de la cĂ©rĂ©monie de la messe de minuit. Cela suffit pour que Langlois rĂ©serve Ă  une exĂ©cution "sommaire" qui peut se comprendre comme un geste de respect il lui Ă©vite ainsi les suites infĂąmantes et dĂ©gradantes de l'arrestation, de la prison, du procĂšs, de la condamnation Ă  mort. Il lui permet, en somme de partir "en beautĂ©", en gardant son mystĂšre. Mais Ă  ce stade, Langlois n'a fait qu'effleurer ce mystĂšre et son initiation doit se poursuivre. LĂ  est la vraie raison de son retour Ă  la montagne, sur la double piste du mystĂšre de et de celui de la Nature. Aux tĂ©moins de ce retour, il apparaĂźt transfigurĂ©. Tous sont frappĂ©s par sa rĂ©serve silencieuse, par son austĂ©ritĂ© monacale "Il Ă©tait comme ces moines qui sont obligĂ©s de faire effort pour s'arracher d'oĂč ils sont et venir oĂč vous ĂȘtes". DĂšs lors, le rĂ©cit est ponctuĂ© par les Ă©tapes de l'initiation dĂ©libĂ©rĂ©ment poursuivie par le hĂ©ros. Il s'agit pour lui, dans une quĂȘte "pascalienne", de peser la valeur et la puissance des formes du divertissement chasse, fĂȘtes, mariage, meurtre. Cette quĂȘte s'effectue dans un climat de cĂ©rĂ©monial religieux la chasse au loup, de contemplation mĂ©ditative et extatique chez la "brodeuse", il s'abĂźme dans la contemplation silencieuse et prolongĂ©e du portrait de vĂ©ritable "icĂŽne" . La scĂšne est d'ailleurs chargĂ©e de connotations religieuses dans cette salle d'un ancien couvent, des objets prĂ©cieux Ă©voquant des ornements sacrĂ©s brillent d'un faible Ă©clat dans une obscuritĂ© de sanctuaire. Rituel de communion, puisqu'il s'agit pour Langlois, comme il le dit Ă  Saucisse et Ă  Mme Tim, de "se mettre dans la peau" dans la peau de qui, sinon de ? En tout cas, il a Ă©tĂ© bouleversĂ© par cette visite, comme en tĂ©moigne l'inquiĂ©tude de ses amis, qui craignent alors de le "perdre". Le comble de l'extase contemplative et le dernier stade de l'initiation sont atteints comme chez le Perceval de ChrĂ©tien de Troyes dans l'Ă©pisode du sang de l'oie sur la neige. Notons Ă  cette occasion l'importance de la rĂ©pĂ©tition de gestes Ă  valeur rituelle l'exĂ©cution du loup rĂ©pĂšte celle de le face-Ă -face avec le portrait prolonge l'entrevue dans la maison de Chichilianne, la contemplation du sang de l'oie sacrifiĂ©e renouvelle des scĂšnes analogues, elles-mĂȘmes rĂ©pĂ©tĂ©es, mais auxquelles Langlois n'a pas assistĂ©. Dans cette scĂšne capitale s'achĂšve le rituel d'initiation, devenu un rituel de possession. La fonction d'initiateur dĂ©volue Ă  apparaĂźt aussi quand il est poursuivi, d'abord par Bergues, puis par FrĂ©dĂ©ric II. Bergues rentre bredouille mais profondĂ©ment troublĂ© par la beautĂ© du sang sur la neige, et donc, lui aussi, momentanĂ©ment "devenu Poursuivi par FrĂ©dĂ©ric II, ne s'enfuit pas, il s'Ă©loigne tranquillement, laissant Ă  son poursuivant la possibilitĂ© de ne jamais le perdre, et sachant peut-ĂȘtre trĂšs bien qu'il est suivi. EntraĂźnĂ© dans cette poursuite, FrĂ©dĂ©ric II accĂšde Ă  une expĂ©rience de lui-mĂȘme et du monde absolument inconnue de lui. Ne pensant "qu'Ă  mettre ses pas dans les pas" de l'inconnu, "il Ă©tait devenu renard". " Tout gros qu'il Ă©tait, il Ă©tait devenu silencieux et aĂ©rien, il se dĂ©plaçait comme un oiseau ou comme un esprit. Il allait de taillis en taillis sans laisser de traces. Avec son sens primitif du monde, il dira "Sans toucher terre." EntiĂšrement diffĂ©rent du FrĂ©dĂ©ric II de la dynastie de la scierie; plus du tout sur la terre oĂč il faut scier du bois pour gagner de quoi nourrir FrĂ©dĂ©ric III; dans un nouveau monde lui aussi; oĂč il fallait avoir des qualitĂ©s aventuriĂšres. Heureux d'une nouvelle maniĂšre extraordinaire! ". Ayant ainsi pĂ©nĂ©trĂ©, Ă  la suite de dans un monde sauvage dont nous portons en nous le souvenir obscurci et la nostalgie, FrĂ©dĂ©ric, approchant de Chichilianne, restera "souffle coupĂ©, un long moment Ă  attendre que revienne l'accord avec le toit et la fumĂ©e". Loup Figure centrale du roman. DĂšs le dĂ©but, le narrateur trouve dans la bibliothĂšque de Sazerat une importante iconographie sur le loup-garou homme devenu ou redevenu loup. Le comportement de Ă©voque celui d'un loup l'hiver le fait sortir de son repaire; il s'attaque Ă  des proies isolĂ©es qu'il emporte; il semble mĂ» par une cruautĂ© "gratuite" et par le goĂ»t du sang. La disparition de Bergues dĂ©clenche au village "une terreur de troupeau de moutons". AprĂšs la mort de c'est avec le titre de commandant de louveterie que Langlois reparaĂźt au village. le retour de l'hiver, particuliĂšrement glacial, fait sortir les loups du bois. Langlois en abat quelques uns, mais voici que s'en manifeste un, tout-Ă -fait exceptionnel. Son comportement fait penser Ă  celui de mĂȘme habiletĂ© diabolique et mĂȘme "prodigieuse confiance en soi"; mĂȘme exercice gratuit de la cruautĂ© "Treize brebis Ă©taient Ă©ventrĂ©es, semblait-il, pour le plaisir de s'agacer les dents dans la laine". D'emblĂ©e le vieillard-narrateur le personnifie "c'Ă©tait certainement un monsieur dont il fallait Ă©viter les brisĂ©es au coin d'un bois". Son imagination le transfigure en un ĂȘtre mythique, une sorte de dragon "ça ne devait plus ĂȘtre un loup. Savez-vous comment je me l'imaginais ? ça n'a pas de sens commun. Je me l'imaginais comme une Ă©norme oreille Ă  vif, oĂč toute notre musique tournait en venin, et ce venin elle ne le versait pas dans un loup. Ah! mais non, j'imaginais que cette oreille Ă©tait comme un entonnoir embouchĂ© dans les queues d'un paquet de mille vipĂšres grosses comme le bras, et que c'est dans ces vipĂšres que le venin Ă©tait bourrĂ© comme le sang dans un boudin". Le vieillard-narrateur pressent aussi que le loup, pas plus que avant lui, ne songe Ă  tenter d'Ă©chapper Ă  son destin "Est-ce que, par hasard, le Monsieur n'attendrait pas tout simplement la mort que nous lui apportons sur un plateau ?". L'exĂ©cution du loup par Langlois est la rĂ©pĂ©tition de celle de "Ainsi donc, tout ça, pour en arriver encore une fois Ă  ces deux coups de pistolet tirĂ©s Ă  la diable, aprĂšs un petit conciliabule muet entre l'expĂ©diteur et l'encaisseur de mort subite !". Mais cette fois, comme Saucisse s'en aperçoit, Langlois regrette d'avoir dĂ» en venir lĂ  "Il se rendait bien compte que ça n'Ă©tait pas une solution". Tuer tuer le loup, c'est peut-ĂȘtre tuer une part de lui-mĂȘme. Son tour est venu en effet de dĂ©couvrir la part de loup qu'il porte en lui. Et c'est Ă  nouveau Saucisse qui s'en rend compte. A Saint-Baudille, lors de la fĂȘte que Mme Tim a prĂ©parĂ©e pour lui, dans l'espoir de l'apprivoiser, Saucisse imagine les pensĂ©es secrĂštes de son ami "C'est pourquoi, Ă  pattes pelues, avec les belles ondulations de reins qui rampent et les sauts dans lesquels je me dĂ©clenche comme un long oiseau gris, je vous souris, Mme Tim, d'un sourire oĂč sont peints tous les charmes de cette belle journĂ©e, depuis les lointaines montagnes de perles sur tapis de blĂ©s roses jusqu'Ă  ces faux espaces libres en lin gris que vous avez eu l'intelligence de faire serpenter autour de la chambre oĂč l'on a dĂ©posĂ© mon petit bagage de loup". Permanence Le roman met en lumiĂšre des traits permanents, aussi bien dans la Nature que dans les affaires humaines. Autour du village, le paysage naturel n'a pas changĂ©. L'automne dĂ©ploie ses fresques ensanglantĂ©es aujourd'hui comme il y a un siĂšcle. Le hĂȘtre de la scierie est toujours debout, aussi beau en 1946 qu'en 1843. La venue de l'hiver efface toujours les contours du paysage sous la neige, faisant renaĂźtre les inquiĂ©tudes ancestrales "dehors, dans des temps qui ne sont pas modernes mais Ă©ternels, rĂŽdent les menaces Ă©ternelles" , et les lecteurs du roman auraient intĂ©rĂȘt Ă  se rappeler que "la vie ne manque pas d'assassins Ă  foulards, de dĂ©coupeurs d'hiĂ©roglyphes de sang, d'hivers 1843". Permanence aussi du cĂŽtĂ© des communautĂ©s humaines le village est Ă  peu prĂšs inchangĂ© depuis 1843; le Cercle des travailleurs, fondĂ© vers 1845, y fonctionne toujours; la bĂątisse de l'auberge se dresse toujours sur le col, ornĂ©e d'une rĂ©clame pour Texaco, seule concession apparente Ă  la modernitĂ©. L'un ou l'autre des descendants des villageois de 1843 possĂšde une maison, une grange, hĂ©ritĂ©e de ses ancĂȘtres. Permanence de la voĂ»te, simple extrapolation architecturale de la caverne prĂ©historique "on n'a jamais rien inventĂ©, ... on n'inventera jamais rien de plus gĂ©nial que la voĂ»te". Permanence de l'humain dans l'humain, mise en valeur par la place accordĂ©e par Giono aux dynasties villageoises. FrĂ©dĂ©ric II survit dans son petit-fils FrĂ©dĂ©ric IV, actuel propriĂ©taire de la scierie, et qui conserve chez lui le portrait de son aĂŻeul, comme Honorius conserve les photos d'Anselmie et de Callas Delphin-Jules dans leur maison dont il a hĂ©ritĂ© par sa femme. La femme de Raoul, descendante de Marie Chazottes, permet de se faire une idĂ©e de l'aspect physique de la premiĂšre victime de Et Ravanel devait rassembler au Ravanel qui conduit les camions en 1946. Quant Ă  l'histoire tragique des deux protagonistes du roman, et Langlois, elle met en lumiĂšre la permanence en l'homme de tentations incontournables et puissantes. C'est sans doute pour ne pas succomber Ă  l'une d'elles et pour en satisfaire une autre que Langlois se suicide. Sang Motif rĂ©current et associĂ© Ă  des Ă©pisodes-clĂ©s, le sang attire et fascine. Voir couler le sang constitue sans doute le mobile essentiel de Il entaille "de partout" le cochon de Ravanel, "de plus de cent entailles", "faites avec plaisir". Quand Ravanel frotte la bĂȘte avec de la neige pour la nettoyer, "on voyait le suintement du sang rĂ©apparaĂźtre et dessiner comme les lettres d'un langage barbare, inconnu". Si choisit Callas Delphin-Jules, c'est que "Delphin Ă©tait construit en chair rouge, en bonne viande bourrĂ©e de sang". Le sang rouge qui coule d'une blessure fraĂźche offre un spectacle d'une rare beautĂ©. C'est la plus belle de toutes les couleurs. Dans la forĂȘt Ă  l'automne, "l'ouest, badigeonnĂ© de pourpre, saigne sur des rochers qui sont incontestablement bien plus beaux sanglants que ce qu'ils Ă©taient d'ordinaire rose satinĂ© ou du plus bel azur commun dont les peignaient les soirs d'Ă©tĂ©". Mais c'est quand vient la neige que, se dĂ©tachant sur sa blancheur, en un alliage de couleurs pures, le sang est le plus beau. Cette association Ă©mouvante apparaĂźt dĂšs le dĂ©but du rĂ©cit quand le narrateur Ă©voque l'ombre des fenĂȘtres "le papillonnement de la neige qui tombe l'Ă©claircit et la rend d'un rose sang frais". Quand Ravanel blesse d'un coup de fusil, Bergues le suit Ă  la trace de son sang sur la neige "C'Ă©tait du sang en gouttes, trĂšs frais, pur, sur la neige". Et Bergues est fascinĂ© par "ces belles traces de sang frais sur la neige vierge". FascinĂ© au point d'en reparler le soir, dans l'Ă©garement de l'ivresse "le sang, le sang sur la neige, trĂšs propre, rouge et blanc, c'Ă©tait trĂšs beau". Le mĂȘme motif reparaĂźt dans l'Ă©pisode de la mort du mĂȘme Bergues. A l'endroit oĂč il a Ă©tĂ© tuĂ©, Langlois retrouve "une grande plaque de neige agglomĂ©rĂ©e avec du sang". Plus loin ,lorsque les chasseurs cernent le loup, qui vient d'Ă©gorger le chien de Curnier, au pied de la falaise du fond de Chalamont, "la neige est pleine de sang". Sur un mode indirect et mineur, l'association du rouge et du blanc, mais aussi du chaud et du froid, reparaĂźt Ă  propos de Mme Tim, qui, jeune fille, a Ă©tĂ© pensionnaire d'un couvent situĂ© "prĂšs d'un volcan et d'un glacier". Tous ces moments nous prĂ©parent Ă  la scĂšne qui vient Ă  la fin du roman, quand Langlois descend chez Anselmie et lui demande de sacrifier pour lui une de ses oies. "Il l'a regardĂ©e saigner dans la neige". Puis il reste longuement immobile dans la contemplation de ce sang sur la neige. De tels moment ont valeur d'initiation Ă  une vĂ©ritĂ© essentielle. DĂšs le dĂ©but su rĂ©cit, quand Bergues "dĂ©lire" Ă  propos de la beautĂ© du sang sur la neige, le narrateur Ă©voque la scĂšne cĂ©lĂšbre du Conte du Graal de ChrĂ©tien de Troyes, oĂč Perceval reste en extase devant le spectacle sur la neige du sang d'oies sauvages blessĂ©es. RĂ©miniscence de son amour passif, chaste et contemplatif pour Blanchefleur. Chez Giono, la mĂȘme extase ouvre sur d'autre vĂ©ritĂ©s celle de l'alliance profonde et sacrĂ©e de la vie et de la mort - alliance manifestĂ©e aussi par le motif du hĂȘtre -, celle aussi de la cruautĂ© fondamentale et nĂ©cessaire du monde les enduits sanglants des fresques du "monastĂšre des montagnes" que sont les forĂȘts Ă  l'automne "facilitent l'acceptation de la cruautĂ© et dĂ©livrent les sacrificateurs de tout remords". Alors se dĂ©voile "un autre systĂšme de rĂ©fĂ©rences" " ... les couteaux d'obsidienne des prĂȘtres de Quetzacoatl s'enfoncent logiquement dans des cSurs choisis. Nous en sommes avertis par la beautĂ©." Mais ce contraste rouge-blanc se retrouve aussi dans la messe par le vin et l'hostie comme dans les flacons de vin pourpre sur le blanc de la table du banquet Ă  St-Baudille.
UnRoi sans divertissement, le roman de Jean Giono écrit en 1946, a été adapté par Alain Allioux, cette production radiophonique est réalisée par Claude Mourthé en 1963.. Le titre Un Roi sans divertissement renvoie à la phrase qui clÎt le roman et que Giono emprunte aux Pensées de Pascal "un roi sans divertissement est un homme plein de misÚres",
Il peut apparaĂźtre prĂ©somptueux d’adapter un roman, aussi dense qu’Un Roi sans divertissement, en seulement 84 pages, fussent-elles illustrĂ©es. Pourtant, aprĂšs l’adaptation de Nez de cuir de La Varende et la biographie de CĂ©line Le Chien de Dieu, Jacques Terpant et Jean Dufaux peuvent se prĂ©valoir d’une troisiĂšme rĂ©ussite. Copyright 2021 Futuropolis Le pacifiste et panthĂ©iste Jean Giono s’est vu reprocher Ă  la LibĂ©ration, injustement, une trop grande proximitĂ© intellectuelle avec Vichy. S’il reprend la plume, elle sera dĂ©sormais distante et ironique. Le roman s’ouvre sur la description lyrique d’un hĂȘtre, personnage central du roman Il y a lĂ  un hĂȘtre ; je suis bien persuadĂ© qu’il n’en existe pas de plus beau c’est l’Apollon-citharĂšde des hĂȘtres. Il n’est pas possible qu’il y ait, dans un autre hĂȘtre, oĂč qu’il soit, une peau plus lisse, de couleur plus belle, une carrure plus exacte, des proportions plus justes, plus de noblesse, de grĂące et d’éternelle jeunesse 
. Le plus extraordinaire est qu’il puisse ĂȘtre si beau et rester si simple. Il est hors de doute qu’il se connaĂźt et qu’il se juge. » Le travail en couleurs directes de Jacques Terpant sur le fameux hĂȘtre, la montagne isĂ©roise, les jeux de lumiĂšre sur la neige ou les tĂąches de sang est magnifique. Le trait rĂ©aliste et les couleurs froides parviennent Ă  illustrer, puis Ă  remplacer, les longues et riches descriptions chĂšres Ă  Giono. Les femmes sont belles, mais, fidĂšle au roman, le visage de Langlois exprime peu de chose, sinon l’amitiĂ© et le sens du devoir. Le capitaine de gendarmerie enquĂȘte sur des disparitions hivernales dans le TriĂšves. Il identifie le meurtrier et le tue. AprĂšs avoir dĂ©missionnĂ©, il s’installe au village. RespectĂ© de tous, il conserve ses distances. À l’issue d’une battue, il tue un loup. Il se fait Ă©riger un chalet, se marie, puis se tue. Le livre se clĂŽt sur cette Ă©nigmatique sentence Seulement, ce soir-lĂ , il ne fumait pas un cigare il fumait une cartouche de dynamite. Ce que Delphine et Saucisse regardĂšrent comme d’habitude, la petite braise, le petit fanal de voiture, c’était le grĂ©sillement de la mĂšche. Et il y eut, au fond du jardin, l’énorme Ă©claboussement d’or qui Ă©claira la nuit pendant une seconde. C’était la tĂȘte de Langlois qui prenait, enfin, les dimensions de l’univers. Qui a dit Un roi sans divertissement est un homme plein de misĂšres » ? » À l’image de ses amis, le lecteur n’a rien vu venir. Que penser d’une amitiĂ© incapable de prĂ©venir, voire mĂȘme de pressentir, un suicide ? Insondable mystĂšre que celui d’un homme supposĂ© proche. A-t-il Ă©tĂ© fascinĂ© par le tueur qu’il traquait ? Par le magnĂ©tisme de la cruautĂ© ? Les diffĂ©rents narrateurs tentent de percer le mystĂšre. Fort habilement, Jean Dufaux ne s’attache pas au schĂ©ma narratif initial, mais rĂ©unit les chroniqueurs en un seul personnage, Giono en personne, qui, aprĂšs avoir Ă©coutĂ© les amis du capitaine, s’interroge. Chez le moraliste Blaise Pascal, le divertissement est ce qui, en l’absence d’union Ă  Dieu, rend la vie supportable. Pour oublier notre triste condition mortelle, nous jouons Ă  la balle, au risque nous se perdre. La mĂȘme proposition chez le paĂŻen Giono prend une forme dĂ©sespĂ©rĂ©e. Pour se protĂ©ger de la perversitĂ© du mal, la sociĂ©tĂ© a fait de l’assassin et de son bourreau des monstres asociaux. Pourtant, Langlois Ă©tait un homme comme les autres » qui, plus que les autres », s’ennuyait
 StĂ©phane de Boysson Un Roi sans divertissement Dessin Jacques Terpant ScĂ©nario Jean Dufaux, d’aprĂšs l’Ɠuvre de Jean Giono Éditeur Futuropolis 64 pages – 17 € Parution 18 aoĂ»t 2021 Un Roi sans divertissement — Extrait Copyright 2021 Futuropolis
Jen'ai mĂȘme pas compris l'essence de l’Ɠuvre Ă  savoir celle d'un homme qui va s'approcher du mal afin de fuir une morne et ennuyante existence. Comme dit, un roi sans divertissement est un homme plein de misĂšres. C'est bien vrai. Seulement, ce soir-lĂ , il ne fumait pas un cigare il fumait une cartouche de dynamite. Ce que Delphine et Saucisse regardĂšrent comme d'habitude, la petite brise, le petit fanal de voiture, c'Ă©tait le grĂ©sillement de la il y eut, au fond du jardin, l'Ă©norme Ă©claboussement d'or qui Ă©claira la nuit pendant une seconde. C'Ă©tait la tĂȘte de Langlois qui prenait, enfin, les dimensions de l' a dit Un roi sans divertissement est un homme plein de misĂšres ?Auteur Giono JeanEditeur GALLIMARDDate de parution 09/10/2002Nombre de pages 244Dimensions x x savoir +Seulement, ce soir-lĂ , il ne fumait pas un cigare il fumait une cartouche de dynamite. Ce que Delphine et Saucisse regardĂšrent comme d'habitude, la petite brise, le petit fanal de voiture, c'Ă©tait le grĂ©sillement de la il y eut, au fond du jardin, l'Ă©norme Ă©claboussement d'or qui Ă©claira la nuit pendant une seconde. C'Ă©tait la tĂȘte de Langlois qui prenait, enfin, les dimensions de l' a dit Un roi sans divertissement est un homme plein de misĂšres ?Auteur Giono JeanEditeur GALLIMARDDate de parution 09/10/2002Nombre de pages 244Dimensions x x / EAN 1983cb9b-f9c4-42b5-bb2c-bf2a46b53748 / 9782070362202 CHRONIQUES.... UN ROI SANS DIVERTISSEMENT, Giono JeanIl n'y a pas encore d'avis pour ce produit. Livraison Ă  domicileEstimĂ©e le 07/09/2022 2,99€ Pour les produits vendus par Auchan, votre commande est livrĂ©e Ă  domicile par La Poste. Absent le jour de la livraison ? Vous recevez un email et/ou un SMS le jour de l'expĂ©dition vous permettant de confirmer la livraison le lendemain, ou de choisir une mise Ă  disposition en bureau de poste ou Point Relais.
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Ledocument : "« Un roi sans divertissement est un homme plein de misĂšres. » Blaise Pascal, PensĂ©es, 142. Commentez cette citation. " compte 762 mots. Pour le tĂ©lĂ©charger en entier, envoyez-nous l’un de vos travaux scolaires grĂące Ă  notre systĂšme gratuit d’échange de ressources numĂ©riques ou achetez-le pour la somme symbolique d
SociĂ©tĂ© Le confinement est un Ă©vĂ©nement inĂ©dit dont le scrutateur politique peut d’ores et dĂ©jĂ  tirer une matiĂšre fĂ©conde. Il est en effet possible d’identifier, sur le masque de la prĂ©occupation sanitaire, de lĂ©gĂšres fissures au travers desquelles l’Ɠil attentif surprendra peut-ĂȘtre des sursauts inquiĂ©tants. Que nous apprend ce confinement, et oĂč pourrait-il nous mener ? Une premiĂšre chose l’Occident a toujours peur de la mort. Il a cru pouvoir lui passer la camisole des sciences mais l’angoisse est toujours lĂ . Faute d’y trouver un sens spirituel, on a multipliĂ© les outils, les chiffres, les statistiques, les mĂ©dicaments, les opĂ©rations, bref, tout ce qui laissait penser que la faucheuse Ă©tait sous bon contrĂŽle mĂ©dicalisĂ©. Pourtant les Ă©pidĂ©mies s’invitent toujours dans cet univers dĂ©sinfectĂ© et empaquetĂ© de normes, se permettant mĂȘme le luxe d’emprunter toutes ces frontiĂšres non plus ouvertes mais bĂ©antes dont l’effacement Ă©tait synonyme de libertĂ©. Avec le Covid-19, l’angoisse est revenue, gĂȘnante, glissante, insaisissable. Puisque la mort s’invite jusqu’à bousculer chaque soir nos informations tĂ©lĂ©visĂ©es, puisqu’elle doit s’accepter faute d’une maĂźtrise immĂ©diate de l’épidĂ©mie, il faut lui trouver un responsable plus accessible que le nĂ©ant lui-mĂȘme. L’envie de pĂ©nal Philippe Muray 1945 – 2006 Le MaĂźtre moqueur Philippe Muray nous a bien expliquĂ© que l’intrusion du nĂ©gatif dans le monde de la post-histoire, bien que cloisonnĂ© Ă  grand renfort de positivitĂ© et de scientisme, dĂ©clenchait en retour des chasses Ă  l’homme. Il faut bien condamner celui qui ruine les espĂ©rances d’un monde en rose. Voici qu’une filature toute neuve se dessine. Une furieuse envie de pĂ©nal, pour reprendre les mots de l’auteur, se rĂ©pand sur les ondes, les Ă©crans, dans les rues dĂ©sertĂ©es. Qui donc ne respecte pas le confinement ? Quel citoyen irresponsable met en pĂ©ril la vie des autres ? Quel meurtrier anonyme se cache sous ce nausĂ©eux motif de promenade journaliĂšre ? Ouvrez l’Ɠil ! C’est donc l’Ɠil bien ouvert que nous assistons Ă  la multiplication de scĂšnes guignolesques dont le ridicule pourrait presque nous faire oublier leurs contours venimeux. Faut-il en citer quelques-unes ? Ainsi une propriĂ©taire de chevaux est-elle verbalisĂ©e pour leur avoir portĂ© de l’eau, quand un cycliste Ă©cope de la mĂȘme correction pour avoir fait ses courses sans avoir songĂ© Ă  prendre sa voiture. Faut-il dĂ©crire encore cette incroyable saynĂšte des gendarmes rencognĂ©s derriĂšre un bosquet de buis, perdus au sommet d’un vaste plateau calcaire et dĂ©sert et pourtant bien compris dans le rayon autorisĂ© d’un kilomĂštre, le bourg Ă©tant juste au-dessous, attendant de dĂ©busquer les rares promeneurs, qui, une fois hĂ©lĂ©s, s’échapperont Ă  toute allure pour se rĂ©fugier dans la forĂȘt ? C’est Ă  peine envisageable en dehors d’un théùtre de boulevard. Flou rĂ©glementaire total, imbroglios garantis. Voici qu’une filature toute neuve se dessine. Une furieuse envie de pĂ©nal, pour reprendre les mots de Muray, se rĂ©pand sur les ondes, les Ă©crans, dans les rues dĂ©sertĂ©es. » Acrimonie Ă©galitaire Ce qui prĂȘterait moins Ă  sourire, c’est que ce rĂ©gime d’exception est justifiĂ© par des vellĂ©itĂ©s prĂ©tendument Ă©galitaires. Ainsi, un citoyen n’ayant aucune chance de contaminer quiconque sera tout de mĂȘme pointĂ© du doigt s’il dĂ©sobĂ©it. Entendez-vous ? Alors que tant se mobilisent » enfermĂ©s chez eux, dans les villes, un provincial s’autoriserait Ă  faire une petite marche de deux heures autour de chez lui, sur le Causse Noir ? OĂč serait l’esprit de solidaritĂ© ? De tels narcissismes vous dĂ©sespĂšrent. Cela nous rappelle que la loi reste une abstraction. Aussi, cet homme qui nage esseulĂ©, la mer Ă©tant son unique ruelle, voit-il arriver dare-dare pas moins de quatre policiers en bateau, chacun risquant, au passage, sa santĂ©. Oui on ne nage » pas, Monsieur, mĂȘme en pleine mer Ă  six heures du matin. Ici commence l’effritement des libertĂ©s non matĂ©rielles l’accĂšs Ă  l’eau, l’air, la nature. L’idĂ©e que de se promener dans une rue avec une densitĂ© de trois-cents habitants au kilomĂštre carrĂ© demeure moins subversif qu’une petite marche isolĂ©e sur un terrain oĂč ne passent que trois personnes dans la journĂ©e – distances de sĂ©curitĂ© en sus – ne semble choquer aucune autoritĂ©. Reste que l’État peut compter sur le renfort spasmodique de la jalousie et de sa cousine, la dĂ©lation. Le vieillard au visage travaillĂ© par le soleil, assis prĂšs d’un Ă©tang infrĂ©quentĂ©, sommĂ© de rentrer ses canes, sa portion quotidienne de soleil arrachĂ©e, voilĂ  qui interroge. Que fait-on du discernement ? Pourtant, la passion de la traque et de la vigilance pourrait tout autant opĂ©rer une singuliĂšre virevolte au mĂ©pris des contradictions. La fin du confinement risque en effet d’ĂȘtre particuliĂšrement nausĂ©abonde si ceux du front » s’écharpent avec ceux de l’arriĂšre » ; les planquĂ©s. Chacun ira de sa justification qui aura pris des risques au travail, qui aura souffert chez lui de la solitude, vigilant, se dĂ©passant lors d’un tĂ©lĂ©travail plus intense encore que le bureau
 La petite bataille des justifications et des Ă©gos pointe dĂ©jĂ  Ă  l’horizon. De sordides rĂ©flexes qui mĂšneront les deux types de hĂ©ros » du sanitaire dans la gueule du loup, chacun s’efforçant de dĂ©montrer sa participation et son utilitĂ© pour le systĂšme dans une pitoyable et aride soif de reconnaissance. On entend bien faire respecter l’ordre dont la lĂ©gitimitĂ© chancelante peine Ă  se maintenir sur le socle des ratĂ©s accumulĂ©s depuis le dĂ©but de la pandĂ©mie. » La guerre c’est la paix et la paix c’est la guerre
 les discours changent du jour au lendemain, c’est une grippe ; non, c’est trĂšs dangereux ; il faut rester chez soi pour aller travailler ; ceux qui se confinent ont raison ; mais ceux qui travaillent car ils n’ont pas le choix sont des hĂ©ros ; quand ceux qui travaillent pour simplement travailler sont suspects
 tout s’annule, se remplace, se succĂšde dans une agitation militante, poil bien hĂ©rissĂ©. Ça remue, ça gesticule. On entend bien faire respecter l’ordre dont la lĂ©gitimitĂ© chancelante peine Ă  se maintenir sur le socle des ratĂ©s accumulĂ©s depuis le dĂ©but de la pandĂ©mie. Si cette pantomime autoritaire nous est annoncĂ©e comme Ă©phĂ©mĂšre, les rebondissements constatĂ©s laissent comprendre qu’aucune libertĂ© acquise n’est imprenable. Quelle est la pente ? Quel est le gouffre ? Nouvelles castes, nouveaux militants Jean Giono 1895 – 1970 Suivant l’enseignement de Pascal repris par un Giono dĂ©sabusĂ©, Un roi sans divertissement est un homme plein de misĂšres. Dans ce rĂ©gime d’exception, difficile pour l’homme blasĂ©, engluĂ© depuis de trop longues annĂ©es dans le tiĂšde train-train quotidien, de rĂ©sister Ă  une occasion si attrayante de revĂȘtir le costume du hĂ©ros Ă  qui revient l’honneur d’adoucir la pente de la courbe et d’amortir le gouffre des chiffres. À ce guerrier convaincu de son importance, revient, pour le salut de tous, la noble mission de traquer sans relĂąche toute forme d’insoumission et de laisser-aller. Pensons d’abord au lanceur d’alerte. HorrifiĂ© par les nouvelles chinoises et transalpines et muni de solides connaissances en statistiques, il redouble d’abnĂ©gation pour ouvrir les yeux Ă  des autoritĂ©s peu emballĂ©es sur la nĂ©cessitĂ© de confiner la population. Parti pour des mois de veille attentive, il s’assure, le regard inquiet, qu’aucune donnĂ©e rĂ©fractaire ne viennent entacher cette catastrophe si rigoureusement modĂ©lisĂ©e par ses soins. Il lui serait bien regrettable de constater une augmentation trop faible du taux de mortalitĂ© sur l’ensemble de la population ; une trop faible incidence sur le pic Ă©pidĂ©mique d’un respect approximatif du confinement par ces français sempiternellement lĂ©gers, incurablement irresponsables ; ou, pire, qu’aucun chiffre significativement alarmant ne ressorte de pays ayant adoptĂ© des mesures plus souples. Il serait absolument inadmissible que des voix pourtant expertes et reconnues – comme le Professeur Raoult – pussent tempĂ©rer les ardeurs sanitaires, montrer l’existence d’élĂ©ments rassurants, et de relativiser certaines prĂ©dictions affolantes eut Ă©gard Ă  l’histoire. Notons toutefois que, sans l’appui d’une opiniĂątre armĂ©e civique, notre lanceur d’alerte ne serait qu’une goutte d’eau dans l’ocĂ©an. Alors qu’on dĂ©sespĂ©rait, les liens de voisinage et de quartier marquent leur grand retour. Saluons ces confinĂ©s vigilants haranguant depuis leur balcon cette mĂšre de famille qui est dĂ©jĂ  sortie durant la matinĂ©e, ces clients prĂ©voyants sermonnant ce jeune homme dĂ©sinvolte qui ne sort que pour acheter une misĂ©rable baguette de pain, sans oublier ces citoyens prĂ©venants n’hĂ©sitant plus Ă  relayer sur les rĂ©seaux sociaux ces photos de familles se promenant – seules pourtant – le visage dĂ©couvert, l’air encore trop guilleret. DĂ©bordĂ©e, la pauvre mairie du XXe arrondissement de Paris, se voit contrainte Ă  appeler au discernement ces innombrables dĂ©lateurs. S’engouffrant dans la brĂšche, une clĂ©ricature scientifique prend le pouvoir et impose un niveau jamais connu de contrĂŽle social. D’un air suffisant et solennel, les gardiens dĂ©signĂ©s de la vĂ©ritĂ© dĂ©crĂštent, Ă  un public retenant son souffle et suspendu Ă  leurs lĂšvres, les mesures irrĂ©futables qui amortiront la chute et rĂ©tabliront l’harmonie. Quand confiner ? À quelle frĂ©quence ? Combien d’annĂ©es ? On apposera la marque – sera-t-elle effaçable ? – sur des citoyens reconnus positif qui seront dĂšs lors tracĂ©s, surveillĂ©s, encerclĂ©s. Qui peut rester avec qui ? Qui incarcĂ©rer en isolement ? Qui peut voir qui ? Et oĂč ? Et pourquoi ? Et comment ? Et Ă  quelle distance ? L’ñge sanitaire est arrivĂ© Le terrain est dĂ©sormais dĂ©frichĂ© pour qu’une tyrannie sanitaire s’implante. Lorsque la santĂ© publique est en jeu et que les personnes les plus vulnĂ©rables sont exposĂ©es, un collĂšgue un peu ronchon sera fĂ©rocement admonestĂ© par son Ă©quipe s’il souligne qu’un dĂ©cret pondu en quelques jours aura suffi pour Ă©brĂ©cher un code du travail. Dans la mĂȘme veine, une personne critiquant son entreprise qui, aprĂšs avoir mis ses salariĂ©s au chĂŽmage partiel, leur demanderait de continuer Ă  produire en tĂ©lĂ©travail, sera impitoyablement taxĂ©e d’égoĂŻste par son entourage. BardĂ©e de courage et dĂ©sintĂ©ressĂ©e, dĂ©pourvue de la peur d’ĂȘtre frappĂ© par la mort, cette componction sera sans aucun doute renouvelĂ©e pour un Ă©vĂ©nement – une canicule pendant les congĂ©s estivaux, par exemple – dont le taux de mortalitĂ© est de 0% pour la jeunesse sĂ©millante. Les applaudissements persisteront pour des tragĂ©dies moins spectaculaires – sans grande messe mĂ©diatique avec dĂ©compte quotidien de victimes – et aux consĂ©quences rĂ©ellement dramatiques – hĂŽpitaux saturĂ©s, personnel soignant dĂ©bordĂ©. Dans un proche avenir, le confinement pourrait rĂ©vĂ©ler au grand jour des dĂ©gĂąts imprĂ©vus foyers esseulĂ©s, privĂ©s de leur gagne-pain, affaiblis, angoissĂ©s et encore plus vulnĂ©rable aux infections, voire affamĂ©s. L’heure de remettre le nez dehors approche pour nos hĂ©ros du confinement. Au nom de la fraternitĂ© avec les victimes du confinement, il faudra bien se sacrifier et retourner au travail. Dans un futur plus lointain, la distanciation sociale pourrait se pĂ©renniser et sonner ainsi le glas pour la sĂ©culaire sensualitĂ© latine. Certaines coutumes comme la bise Ă  la collĂšgue et les poignĂ©es de main au chantier pourraient ĂȘtre relĂ©guĂ©es aux oubliettes. Quant Ă  partager une assiette de charcuterie entre amis ou Ă  trinquer aprĂšs une journĂ©e harassante n’y pensons plus. Mais tout ça pour quoi ? En demandant aux sportifs parisiens de respecter des horaires spĂ©cifiques pour s’aĂ©rer et entretenir leur santĂ© sans pour autant nuire au confinement, Anne Hidalgo met le doigt sur le nƓud gordien du problĂšme il s’agit de respecter le confinement avant sa santĂ© et son Ă©quilibre propre. Revenons Ă  notre scrutateur politique ne pourrait-il pas observer que le confinement finisse par nuire Ă  la santĂ© globale ? Dans un proche avenir, le confinement pourrait rĂ©vĂ©ler au grand jour des dĂ©gĂąts imprĂ©vus foyers esseulĂ©s, privĂ©s de leur gagne-pain, affaiblis, angoissĂ©s et encore plus vulnĂ©rable aux infections, voire affamĂ©s. » Devant des citoyens apeurĂ©s et prĂȘt Ă  collaborer, l’État n’aura plus qu’à cueillir les fruits serviles de la mobilisation citoyenne contre le Covid-19 » pour instaurer sa dĂ©mocratie sanitaire. Tout est prĂȘt pour ne plus bouger de chez soi s’il le faut tĂ©lĂ©travail, Ă©missions prĂ©sentĂ©es depuis le domicile, sport connectĂ©, apĂ©ros virtuels. On ne plonge pas tout de suite une grenouille dans l’eau bouillante. À condition de garder le sourire, tout se passera bien dans l’entreprise connectĂ©e. Se promener sera un jeu d’enfant il suffira, les yeux rivĂ©s sur le tĂ©lĂ©phone intelligent, de respecter au millimĂštre le pĂ©rimĂštre autorisĂ©. L’état sanitaire, le maternage autoritaire, dessinent peut-ĂȘtre les lendemains d’une sociĂ©tĂ© toujours plus propre ». Se mobiliser dans un monde vide est un luxe l’essentiel est d’y croire. en collaboration avec TaĂŻ-Thot Desserts Attention au relĂąchement l’infantilisation de masse comme stratĂ©gie politique » sur la revue Frustration Sur Le Comptoir Coronavirus la maladie du monde malade » Mais aussi Coronavirus Le monde d’aprĂšs ne sera pas dĂ©croissant » Et Ă©galement Rions avec les conseils confinement » du gouvernement »
bewm.
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